Notre profession à l’horizon 2018 sur la scène nationale

Par H. Mark Ramsankar

En juillet 2017, je suis devenu le président de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE). J’ai trouvé mes premiers mois dans ce poste essoufflants et éprouvants par moments, mais aussi passionnants et globalement très satisfaisants. Il s’est passé tellement de choses en si peu de temps! Surtout, je suis stupéfait de voir à quel point le temps a passé vite. Six mois, cela peut paraître beaucoup et, pourtant, une autre année s’est déjà terminée et une nouvelle commence. En cette période charnière, j’ai pris le temps de réfléchir à ce que j’ai appris dans mon nouveau rôle et à ce qui se profile à l’horizon 2018.

En 2017, notre Forum canadien sur l’éducation publique, juste avant l’AGA de la FCE, a eu pour thème le bien-être dans nos écoles. Deux ans auparavant, en 2015, la santé mentale des jeunes a été le leitmotiv de notre campagne en prévision des élections fédérales. Ces thèmes restent des priorités tandis que nous poursuivons notre action politique pour avoir dans tout le Canada des écoles sécuritaires et bienveillantes. Pour les enseignantes et enseignants de notre pays, la question de la santé mentale et du bien-être des élèves et des membres de la profession est un sujet primordial de préoccupation. Étant donné l’incroyable diversité qui caractérise les classes et les écoles canadiennes, il est absolument essentiel de fournir le soutien et les services nécessaires aux élèves ayant des besoins particuliers ou aux prises avec un problème de santé mentale. Malheureusement, en cette période d’austérité, les ressources et le soutien continuent de manquer.

À la Conférence nationale sur la négociation collective de juin 2017, nos organisations Membres ont signalé une augmentation du nombre d’incidents violents dans les classes. L’éducation est un milieu dynamique dans toutes les provinces et tous les territoires. Les influences externes sur les classes sont très réelles et échappent généralement au contrôle ou à l’influence du personnel enseignant.

Le grave manque de soutien et de ressources pour les élèves ayant des problèmes sérieux de comportement a mené à une augmentation des incidents violents qui mettent en danger les élèves et leurs enseignantes et enseignants. Nos écoles ont besoin d’un meilleur financement et de ressources accrues pour l’éducation de l’enfance en difficulté, d’une stratégie globale de soutien en matière de santé mentale des enfants, ainsi que de formation sur la santé et la sécurité, et des mesures de protection correspondantes à l’intention de tout le personnel scolaire. Les résultats de sondages menés par l’Ontario English Catholic Teachers’ Association et la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario sont là pour en témoigner! L’évolution démographique que connaît la clientèle scolaire, les changements qui surviennent dans la taille des classes et leur structure, l’augmentation des incidents violents dans les classes, les exigences grandissantes d’évaluation et de communication des progrès des élèves, l’accès au personnel enseignant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et l’intensification sans précédent de l’intrusion des entreprises commerciales dans l’éducation font que, dans l’ensemble du Canada, les milieux de l’enseignement et de l’apprentissage sont mis à rude épreuve.

Les organisations Membres nous ont aussi avertis que le nombre d’incidents violents signalés est en fait bien en deçà de la réalité avec laquelle le personnel enseignant doit composer jour après jour à l’école. L’écart s’explique peut-être par la stigmatisation qui suit parfois le signalement d’actes violents survenus dans la classe. Le personnel enseignant peut hésiter à faire ce signalement parce qu’il a le sentiment que cela risque de mettre en cause sa compétence aux yeux des autres. Nous devons continuer de faire pression pour que les écoles disposent des ressources et du soutien dont le personnel enseignant a besoin pour poursuivre son travail comme il l’entend, de manière à répondre aux besoins des élèves et réduire le stress qui se vit quotidiennement dans la salle de classe.

La FCE est préoccupée à juste titre par le projet de loi d’initiative parlementaire S-206, actuellement en deuxième lecture au Sénat. Si ce projet de loi qui, dans les faits, propose l’abrogation de l’article 43 du Code criminel du Canada est adopté, l’approche malavisée qu’il suggère aura une incidence sur la sécurité des élèves et la capacité du personnel enseignant de travailler directement avec eux. L’article 43 constitue la seule mesure de protection dont dispose le personnel enseignant contre d’éventuelles poursuites rattachées à leur exercice de la profession dans le contexte compliqué et imprévisible des écoles d’aujourd’hui.

En avril 2017, la sénatrice Céline Hervieux-Payette a pris la parole devant le Conseil d’administration de la FCE au sujet du projet de loi S-206, qu’elle a elle-même présenté au Sénat et que le sénateur Murray Sinclair parraine maintenant à son tour. Les membres du Conseil ont profité de l’occasion pour l’informer des répercussions négatives que l’abrogation de l’article 43 risquait d’avoir sur la sécurité des élèves et le personnel des écoles. La FCE est fondamentalement opposée au châtiment corporel sous toutes ses formes, mais reconnaît que le personnel enseignant doit pouvoir avoir un contact physique avec les élèves et même parfois exercer une contrainte physique sur les élèves pour leur sécurité et celle des autres. La FCE et ses organisations Membres pensent que la sénatrice a entendu leur message. Celle-ci a promis qu’elle allait réexaminer le projet de loi avec le ministère de la Justice à la lumière des préoccupations du corps enseignant. En 2018, la FCE continuera de surveiller de près l’évolution de ce dossier. Le 7 décembre 2017, le débat sur le projet de loi S-206 a été ajourné.

Le dossier des droits d’auteur en éducation en est un autre qui continuera d’orienter notre action politique en 2018. La loi actuelle du Canada est perçue sur la scène internationale comme un modèle à suivre, mais l’industrie de l’édition a une fois de plus réussi, en clamant ses préoccupations, à ramener ce dossier sous les feux des projecteurs. Le gouvernement fédéral travaille actuellement à l’examen de la loi et les créatrices et créateurs de contenu, avec l’industrie, multiplient les pressions pour amener le gouvernement à modifier la loi. Membre d’une coalition qui représente l’éducation, la FCE a fait connaître son opposition aux changements proposés et prône le maintien des dispositions relatives à l’utilisation équitable établies par la Cour suprême du Canada en 2012. Si les créateurs et créatrices obtiennent gain de cause, on peut s’attendre à une augmentation des droits d’auteur qui viendra détourner au profit des maisons d’édition des fonds qui normalement iraient aux élèves et aux écoles. Ce détournement des fonds minera gravement la capacité du personnel enseignant d’accéder aux ressources dont il a besoin et de l’utiliser dans ses classes.

J’invite toutes les organisations Membres de la FCE et les membres du corps enseignant canadien à faire pression sur leurs représentantes et représentants gouvernementaux au cours des prochains mois afin que le gouvernement maintienne les dispositions sur l’utilisation équitable par notre système d’éducation. Il est important que nous saisissions toutes les occasions de faire entendre notre voix. Notre action politique trouve toute sa force dans l’appui des quelque 250 000 personnes qui composent la profession enseignante et dans notre voix collective. Vous, les chefs de file de la profession, êtes, par la voie de vos organisations professionnelles, les moteurs de la FCE. C’est par notre action que nous continuerons de renforcer le système d’éducation publique de classe mondiale que le Canada offre à ses citoyens.

Les enseignantes et enseignants en salle de classe sont bien placés pour dire ce qui se passe dans les écoles du Canada en 2018 et doivent le faire. Ils doivent faire connaître les réalités de l’éducation aujourd’hui et montrer les effets du manque de soutien, alors qu’ils composent avec l’inclusion scolaire et la création de classes inclusives, sur le contexte et les possibilités d’apprentissage pour les élèves du Canada. Les enseignantes et enseignants savent bien que l’apprentissage repose sur la relation entre eux et leurs élèves. En 2018, la FCE axera ses efforts sur la préservation et le développement de cette relation et des milieux d’apprentissage sûrs et sains.

(H. Mark Ramsankar est le président de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants.)

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